#3 : L’utilisation d’une STAN (ou DAW) comme outil de composition

 

STAN

Dans ce petit tuto, nous allons faire un rapide tour de ce qu’est une STAN et de la manière dont on peut l’utiliser pour commencer, puis s’améliorer à la composition. En cadeau, je vous offre la version complète de mon morceau La Survie du Phénomène Humain sur la STAN gratuite LMMS.

Une STAN ? Une DAW ? Quésaco ?…

Une STAN (Station de Travail Audio Numérique) est la francisation de DAW (Digital Audio Workstation). Ceci désigne une application qui permet de composer sur ordinateur ou sur un autre outil digital, et de piloter différents instruments internes à l’ordinateur utilisé (VST, carte son…) ou externes (synthés, effets…). Pour cela, on utilise différentes normes, dont la plus ancienne est la norme MIDI (Musical Instrument Digital Interface). Elle permet de faire communiquer ces éléments entre eux.

On utilise aussi différents formats de fichiers audio (comme WAV, FLAC…) afin de capter des instruments acoustiques ou électroacoustiques (voix, piano, guitare ou basse électriques, etc.) à travers des micros ou des amplificateurs, et de les intégrer dans le flux musical global.

Bien sûr, dit ainsi, cela reste conceptuel si on ne connaît pas, et réducteur si on connaît… Nous sommes ici dans l’univers de la MAO (Musique Assistée par Ordinateur).

La STAN Cubase

Une STAN au service de l’imagination

Outre l’aspect technique qui peut paraître de prime abord rébarbatif, une STAN permet au contraire, une fois maîtrisée, d’offrir tout ce dont on a besoin sur un simple PC pour se mettre à la composition sérieusement. Elle permet aussi de créer des maquettes convaincantes. Soit comme produit fini, pour de la musique électronique. Soit comme référence pour soumettre une idée à un groupe en chair et en os, par exemple.

Elle permet aussi de travailler en mode collaboratif à distance. On peut aujourd’hui parfaitement bosser comme dans un studio dématérialisé avec des musiciens aux quatre coins de la planète, ce qui permet de centraliser leurs pistes sur une même STAN et donc de créer une maquette de A à Z.

C’est ce que fait souvent, par exemple, le claviériste Valeriy Stepanov qui joue toujours avec le même batteur, dans la même salle moscovite que lui, mais aussi avec de fameux musiciens disséminés un peu partout sur la planète.

Donc, outre l’aspect techno, il faut imaginer une STAN comme un véritable instrument de liberté, surtout si on a conscience de ses limitations – car la maîtrise parfaite de cet outil est transversale et va des compétences propres aux musiciens, aux arrangeurs/compositeurs, aux preneurs / ingénieurs de son, jusqu’à la distribution. La profondeur de cette approche est donc grande. Mais elle mérite qu’on s’y attarde.

Un exemple de STAN 100 % gratuite : LMMS

Il existe des ténors sur le marché des STAN, qui font grassement payer des produits de très haut niveau et souvent très complexes à utiliser dans un contexte d’instruments physiques à faire communiquer entre eux. Le plus connu est sans doute Steinberg Cubase, suivi de près par Ableton Live. L’une de mes préférées est Cakewalk qui est devenue gratuite, et donc à consommer sans modération (avant la gratuité, ça coûtait fort cher) !

Mais ces STAN ont pour point commun une véritable complexité d’utilisation. Bien sûr, il existe sur Internet quantité de tutoriels, mais rien ne vaut de commencer les maths par le début, et par une STAN puissante, mais facile d’accès.

La STAN LMMS

Je recommanderai donc LMMS pour un premier pas. Entièrement gratuite, cette STAN est issue du monde de Linux mais fonctionne aujourd’hui sur toutes les plateformes et, comme projet open source, bénéficie de constantes mises à jour. Vous pouvez télécharger la version correspondant à votre système d’exploitation d’ordinateur ici : https://lmms.io/

Structure de base : un petit clavier-maître + le logiciel STAN sur PC, Mac ou Linux

Pour piloter la STAN et composer, il vous faut un petit clavier-maître. Un clavier-maître est un clavier sans sons. Il sert seulement à contrôler les sons intégrés à la STAN ou les sons d’autres claviers ou expandeurs (synthés sans claviers). D’autre part, un clavier-maître dispose de différents contrôleurs d’expression pour faire des glissandos (sliders), maintenir des sons comme la pédale de tenue d’un piano (sustain), engendrer un vibrato (LFO) ou utiliser le clavier sensible à la pression (aftertouch), etc.

Il est inutile d’acheter un monstre si nous n’êtes pas claviériste ni pianiste. L’objectif du clavier-maître est d’être uniquement un contrôleur, pas de faire de vous un Art Tatum Junior ! En effet, une STAN permet de travailler en mode ‘pas à pas’, c’est-à-dire de ne pas jouer en direct, mais note après note, ou mesure après mesure. Ceci permet à n’importe qui d’utiliser un clavier pour produire un accord ou une mélodie, sans pour autant savoir jouer en temps réel comme seules le permettent, en jazz, au moins 10 bonnes années de pratique assidues de l’instrument. Ici, on ne parle pas de live mais de compo. Même si on peut aussi utiliser une STAN en live, mais c’est un autre sujet.

Vous comprendrez dès lors aisément qu’il est très facile de se procurer à petit prix un clavier-maître à brancher par USB à son ordinateur : https://www.thomann.de/fr/masterkeyboards_jusqu_a_49_touches.html. Ici, on ne vise pas l’idée d’obtenir les performances d’un Korg Kronos à 3500 €, ni d’un Nord Wave 2 ou d’une réplique d’Oberheim par Dave Smith. Quoique, ça reste presque possible…

Avantage de la STAN : l’intégration totale de toutes les fonctions

Vous avez téléchargé LMMS et l’avez installé ? Alors vous pouvez comprendre la structure globale d’une STAN, qui reste, grossièrement, la même sur toutes les applications de ce genre.
L’écran principal matérialise des pistes. On utilise une piste par instrument. Un instrument peut être interne (VST), externe (par exemple synthé piloté par MIDI), ou une piste audio captée directement par la STAN en direct, ou non. Une STAN manipule donc aussi bien, et simultanément, le standard MIDI que le standard audio (WAV, FLAC…)

C’est en “empilant” les pistes que le morceau se crée, comme dans un studio d’enregistrement. Par exemple, il y aura une piste pour la basse, une pour la batterie, une pour le clavier et une pour le lead.

Tout dans la STAN est éditable : les notes, leur son (instrument), leur hauteur, leur durée, leur intensité, les effets qu’on leur attribue et ils sont nombreux. L’avantage de la formule est que tout est intégré dans le PC.

La STAN permet aussi de procéder au mastering, c’est-à-dire, grossièrement, au mixage et au travail global du son pour arriver, en fin de processus, à un fichier son très propre et a format universel (WAV jusqu’à 96 kHz en 24 bits : très grosse définition à la différence inaudible sur du matériel commun, mais très utile pour y greffer des effets qui fonctionnent sur des algorithmes de calcul et d’extrapolation. C’est pour cela qu’une STAN peut créer des fichiers à des formats si lourds par rapport aux formats habituels).

Autre avantage de la STAN : la customisation

Autre avantage : une STAN est souvent livrée avec un certain nombre de plug-in (VST) de sons ou d’effets, qui suffisent nativement à un projet simple. Mais l’on peut en incrémenter les possibilités à l’infini (si on possède un arbre à billets dans son salon bien sûr). Besoin d’un son de piano de concert ? Cela s’achète sous la forme d’un petit fichier à greffer. Besoin d’une réplique d’un compresseur des années 60 ? Idem. Besoin d’un émulateur de vieil ampli à lampe avec un haut-parleur Cabinet utilisé dans les studios d’enregistrement de Los Angeles en 1975 ? Itou !

Il n’y a de limite que les besoins, l’imagination et les compétences.

Et la musique dans tout ça ?

La STAN libère l’imagination en offrant toutes ces possibilités. Elle peut même offrir des automatismes pour ceux qui ne sont pas des experts en accords diminués. Mais elle va vous aider à progresser et à tenter des choses que vous ne pourriez pas faire seul.

Voici deux exemples :

  • Vous êtes sax, trompettiste ou même guitariste ou pianiste, et vous voulez travailler votre chorus. Par exemple sur Au Privave de notre Charlie Parker bien aimé. Vous créez la ligne de basse et un pattern de batterie en ternaire sur la grille de Au Privave, à votre rythme, note par note si vous débutez en harmonie jazz. Une fois que ça matche, vous faites tourner en boucle vos 12 mesures très lentement. Par exemple à 75 à la noire. Et vous apprenez à choruser dessus jusqu’à ce que ce soit en place. Si vous êtes pianiste, vous pouvez ne jouer, à deux mains, que les accords qui conviennent (bien placés) sur le basse-batterie pour apprendre le side. Ensuite, vous pouvez jouer les accords main gauche en improvisant main droite. Idem pour les guitaristes pour les accords ou l’impro. Tout cela apprend aussi à jouer le thème. Puis quand vous êtes à l’aise, vous augmentez le tempo progressivement pour arriver au réel (ici, 192 à la noire…)
  • Vous voulez explorer le sens d’un accord avec une basse étrangère, par exemple comment sonne un C-7 (do mineur 7 : voir mon tutoriel d’harmonie) avec un gimmick en basse de do, puis le même en do#, puis en ré, ré#… jusqu’au si. C’est très facile. Vous créez par exemple votre gimmick de basse en C-7 sur 4 mesures en piste 1. Vous lui adjoignez une ligne de batterie en piste 2. Puis une rythmique d’accords en C-7. Ensuite, pour explorer le son provoqué par la basse en do# (basse qui devient donc étrangère au C-7, voir mon second tutoriel), il suffit, en DEUX CLICS DE SOURIS, de transposer la piste de basse d’un demi-ton et d’écouter ce que cela fait. Cela permet de se familiariser avec tous les sons possibles, et d’apprendre par exemple à choruser dessus et à en développer les accords !

Musique assistée par ordinateur

Exemple pratique : je vous offre le morceau La Survie du Phénomène Humain

Pour que vous puissiez vous amuser à faire plein d’essais en partant d’un morceau existant – volontairement complexe pour comprendre comment cela fonctionne vraiment – je vous offre ce 5e morceau du Phénomène Humain, La Survie, exactement comme il apparaît dans l’album avant d’être mastérisé :

Pour pouvoir l’écouter et ensuite le démonter et en faire ce que vous voulez :

  1. Installez LMMS –> https://lmms.io/
  2. Téléchargez les fichiers suivants :
    1. Les sons que j’utilise (formats de fichiers “soundfonts SF2” compressés dans un fichier RAR. pas d’inquiétude, pas de virus…) –> https://jazzblog.borisfoucaud.com/docs/soundfonts_phenomene_humain_5_survie.rar
    2. Le fichier du morceau –> https://jazzblog.borisfoucaud.com/docs/phenomene_humain_5_survie.mmpz
  3. Décompressez le fichier comportant les soundfonts : il y en a 6. Sauvegardez ces six fichiers dans un dossier facile à retrouver.
  4. Ouvrez LMMS. Allez dans le menu ‘Éditer>Configuration’. Une fenêtre ‘Configuration de LMMS’ s’ouvre. Cliquez sur la grosse icône à gauche en forme de dossier, l’onglet ‘Répertoires’ s’ouvre.
  5. Troisième ligne ‘Répertoire des SF2’, faites-le pointer vers le dossier que vous avez créé avec les soundfonts que vous venez de télécharger. Validez par [OK].
  6. Quittez LMMS et redémarrez.
  7. Chargez mon fichier ‘phenomene_humain_5_survie.mmpz’. Ce format de fichier est propre à LLMS et contient tout le projet musical, y compris les paramétrages des sons, des effets, etc. Vous verrez qu’ici, tout est en MIDI, il n’y a aucun traitement de son audio.
  8. Comme vous avez téléchargé les soundfonts indiquées, quel que soit votre ordi, vous entendrez les ‘vrais’ sons du morceau qui s’appuient sur ces plug-in. Ils sont indépendants de votre ordi ou de votre matériel. Avantage : le projet est donc fixé une fois pour toutes et transportable d’une machine à l’autre. Car si vous connaissez le MIDI, vous savez que c’est la seule véritable difficulté de ce format qui n’est pas du tout portable et dont les sons varient totalement d’une machine à l’autre.

Si vous chargez le morceau, une fois les soundfonts bien installées, vous devez voir quelque chose comme ceci :

LMMS phènomène Humain 5 Survie

On fait quoi avec ça ?

Voici des suggestions, toujours dans l’idée de progresser en jazz et musiques modales :

  • Écouter le morceau piste par piste pour comprendre comment s’empilent les fréquences sans se chevaucher. Ou, si elles se chevauchent, pour voir comment elles le font sans faire de brouhaha
  • Analyser les passages du morceau et les modes utilisés (conseil : fixez-vous uniquement sur la basse comme référence)
  • Voir comment les pistes de drums marquent les temps et jouent avec les temps forts et les temps faibles
  • Voir comment sont paramétrés chaque son du point de vue des effets, et comment la balance est effectuée
  • Sectionner le morceau, et y adapter vos propres accords, vos propres mélodies.

Si vous voulez me faire vraiment plaisir, c’est très simple. Utilisez mon morceau comme base pour l’une de vos compositions, et envoyez-moi vos trouvailles. On peut faire sur ce site une page spéciale pour montrer que le jazz, c’est vraiment du partage et de la collaboration. Et que deux univers qui s’ajoutent, le vôtre plus le mien, ça peut donner quelque chose de délirant qui cogne fort. Même sur une petite STAN gratos qui ne coûte pas 2000 €.

N’hésitez pas à réagir à ce #tuto ni à me poser des questions le cas échéant, et à liker si vous avez aimé !

Naviguer dans les tutoriels

  1. Comprendre les modes et les accords jazz
  2. Interpréter les accords et apprivoiser le son jazz
  3. L’utilisation d’une STAN (ou DAW) comme outil de composition (je vous offre l’un de mes morceaux prêt à utiliser comme base de travail)
  4. En bonus : les coulisses du générique des tutos

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