Piano jazz partie 10 : Herbie Hancock

Herbie Hancock

 

Herbie Hancock : le boss du piano jazz contemporain

Herbie Hancock commence par le piano classique à 7 ans. Petit génie, à 11, il joue du Mozart avec le Chicago Symphony Orchestra. Il écoute ses musiciens préférés, que sont Oscar Peterson, McCoy Tyner, Wynton Kelly et Bill Evans. Parallèlement, il fait des études en génie électrique, ce qui expliquera peut-être sa prédilection pour dénicher les dernières nouveautés technologiques en lutherie électronique tout au long de sa carrière.

Il jouera pour le prestigieux label Blue Note dès 1962 à 22 ans. Mais c’est l’année suivante, lorsqu’il rejoindra le fameux quintette de Miles Davis constitué de Ron Carter à la contrebasse, de Tony Williams à la batterie, et de Wayne Shorter au sax, qu’Hancock va littéralement décoller.

En effet, Herbie Hancock puise, dans cette musique de plus en plus modale, dans des résolutions d’accords inédites qui lui donnent un son très particulier, approfondi, plein, mais jamais incompréhensible. En revanche, pour mettre en exergue les thèmes lorsqu’il est en side, il développe des système rythmiques très élaborés.

La sophistication des accords, des cadences, des arrangements, font du piano de Herbie Hancock une pièce maîtresse, même en position de side.

Hancock, une usine à standards qui révolutionne le piano jazz contemporain

Hancock commettra de nombreux standards lors de sa période Blue Note, en son nom ou pour d’autres musiciens (Dolphin Danse, Maiden Voyage, Watermelon Man, Empyrean Isles, Cantaloupe Island…) Et il démontrera la place majeure du piano dans le développement harmonique du thème, où les accords et la rythmique deviennent aussi importants que le leader lui-même. Il est toujours en binôme proche avec le soliste, qu’il magnifie, voire auquel il donne un sens profond.

Cette notion n’est pas évidente, mais c’est sans doute la plus grande découverte d’Herbie Hancock, qui a été étudiée et intégrée depuis par tous les pianistes jazz. Cette interaction donne un sens fondamental au thème ou au chorus, ce qui induit également un art de la digression, de la polyrythmie, bref : un refus de la ligne droite ou de l’évidence. Pour autant, tout est contrôlé, il n’y a jamais ici d’attirance pour le free jazz.

Du point de vue des improvisations, il intègre une complexité rythmique forte au service d’une main droite très sophistiquée, qui sort souvent du mode et qui enrichit drastiquement l’armature harmonique du morceau, en composition instantanée. Ceci donne donc naissance à une nouvelle manière d’appréhender, puis d’étudier, l’harmonie modale et le rythme pianistique.

La carrière d’Hancock est longue et complexe, et ce pianiste embrasse tous les genres, du funk à la soul, en passant par la musique de film, le R&B, et même le hip-hop et l’electro.

L’arrivée de l’électronique pour aller toujours plus loin dans la découverte du son

Même si Joe Zawinul et Chick Corea, notamment, découvrent également la lutherie électronique, Herbie Hancock utilise très tôt le piano électrique Rhodes, dès chez Miles Davis. Ceci va progressivement guider Miles Davis sur les terres du jazz rock qu’il inventera, ce qui sauvera probablement le jazz des outrances du free jazz. Herbie Hancock mettra ces instrument au centre de plusieurs de ses groupes, entre Mwandishi, Headhunters ou VSOP.

Ce faisant, il intégrera les codes du funk ou du rock, inventant les usages contemporains de ces instruments électroniques non seulement dans le jazz, mais aussi dans des musiques plus populaires. Il réconciliera le jazz avec des musiques de danse, voire du disco, sans se cacher de certaines ambitions commerciales.

Toute sa carrière, Herbie Hancock sera tiraillé entre sa période Miles, et ses velléité jazz électrique plus populaire. Ce qui est intéressant, c’est que ces deux expériences se rejoindront souvent dans une musique très complexe (mais aisée à écouter), toujours particulièrement inventive, parfois technologique, qui entraînera le jazz entier vers des directions sans cesse renouvelées.

Hancock ne sera donc pas seulement un pianiste : il sera aussi un découvreur, un défricheur, un producteur, un mécène, un diffuseur de technologies, une star commerciale, mais surtout un fabuleux pianiste qui a révolutionné l’instrument de manière irréversible dès les années 60.

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