Piano jazz partie 14 : le riche piano jazz hexagonal

Piano jazz hexagonal

 

Et la France dans tout ça (bis) ?…

Comme dit dans la partie précédente consacrée à Michel Petrucciani, s’il y a bien un secteur qui ne peut pas souffrir du déclinisme ambiant, c’est bien le piano jazz contemporain français !

Il est tellement multiple qu’il est difficile de lui trouver un trait particulièrement commun. Comme tous le jazz actuel, fusion ou non, il voyage et se nourrit de toutes les cultures. Mais j’ignore pourquoi, le piano reste tout de même l’un des instruments les plus emblématiques de ce jazz français actuel.

Nous n’allons pas ici refaire l’histoire du jazz, ni rappeler d’une part que dès l’exposition universelle de 1900, la France est fascinée par cette “musique nègre” (arf…). Et que les deux guerres ont importé cet étrange son qui donnait réellement envie qu’on s’y intéresse. Nous ne reviendrons pas sur le fait que dans les pires moments pour les Noirs américains, la France combattait au contraire pour la transmission de leur musique – et de leur culture – en Europe, notamment (mais pas seulement) sous la plume de Boris Vian (voir Les Chroniques de jazz). Après-guerre, nombreux sont les musiciens Noirs à être venus en France en toute liberté, soit jouer, soit s’installer.

Quand le jazz se diffuse hors de toute idéologie

Miles Davis a joué à cette époque la fabuleuse musique du film Ascenseur pour l’Échafaud de Louis Malle avec des musiciens français. Il a toujours souligné son amour pour le pays, et pour Juliette Greco. Les festivals de Nice et de Juan les Pins étaient parmi les plus célèbres au monde, et Paris a été une place forte de résistance contre le conformisme WASP et pour l’ouverture d’esprit.

D’ailleurs, le bop a été le prétexte, en France, d’une guerre sans merci entre les ‘anciens’ (Panassié) et les ‘modernes’ (Delaunay). Cette guerre qui a passionné les auditeurs et contribué à faire connaître le jazz ! Parallèlement, le jazz manouche a toujours été une partie intégrante du patrimoine français, notamment (mais pas exclusivement) sous la guitare de Django Reinhardt.

La France, terre d’élection du jazz depuis les débuts !

Et puis Eddie Barclay a produit nombre de musiciens américains sous son label Blue Star. Il a favorisé énormément de rencontres et d’échanges (musicaux) de points de vue. Mieux, le fameux Jazz Magazine s’est vendu dès 1954 comme des petits pains. En musicologie universitaire, les Français se sont penchés parmi les premiers sur le jazz, notamment sous la plume d’André Hodeir (voir Hommes et problèmes de jazz).

Ainsi, Paris deviendra au fur et à mesure une place forte du jazz Noir. De grandes figures viendront s’y installer comme Bud Powell, Bill Coleman, Kenny Clarke ou Chet Baker. Et les musiciens français joueront avec eux, comme Martial Solal, René Urtreger, Pierre Michelot, Daniel Humair…

Outre Louis Malle, le cinéma français fera également beaucoup appel aux jazzmen américains. John Lewis pour Sait-on jamais ? de Roger Vadim, Gillespie ou Peterson pour Les Tricheurs de Michel Carné, Art Blakey pour Edouard Molinaro, ou même Thélonious Monk pour Les Liaisons dangereuses de Roger Vadim.

Le jazz, musique populaire en France

Le free jazz fera apparition à Paris en 1960. Mais à la fin de la décennie, c’est Magma qui apparaît et qui va renégocier le jazz mondial pendant les 50 années à venir. Un peu partout dans les années 70/80 vont essaimer de fameux clubs de jazz à Paris et en province, et autant de festivals importants, qui vont contribuer à drainer encore des courants, des rencontres, des émergences, à brasser des cultures. Des groupes français de fusion vont naître, l’un des plus connus étant Sixun. Des musiciens vont conquérir le jazz mondial, et ils sont nombreux, comme Jean-Luc Ponty, Didier Lockwood, Michel Petrucciani donc, mais encore Mino Cinelu, Bireli Lagrene, et bien d’autres.

Le jazz va s’institutionnaliser en France avec la création de l’Orchestre National de Jazz (ONJ), ainsi que l’enseignement avec un diplôme spécifique de conservatoire en 1987, ou le CIM.

Un concours international de piano, le concours Martial Solal, va entériner la prépondérance de l’instrument dans la culture jazzistique française (depuis 1989).

Nous allons donc ici constituer une petite collection de pianistes français incontournables, mais il y en a bien d’autres…

Jacques Loussier : à la croisée de Bach et du cool

Eddy Louiss : l’introducteur de l’orgue Hammond dans le jazz hexagonal

Alain Jean-Marie : une approche franco-latina

Baptiste Trotignon : la profondeur harmonique du jazz orchestral

François Couturier : le piano hexagonal contemporain

Laurent Cugny : un pianiste arrangeur emblématique

Denis Badault : une technique pianistique poussée et un chef de big band expérimental

Laurent de Wilde : un fantastique pianiste et une encyclopédie vivante du jazz

Benoît Widemann : un claviériste fusion fer de lance notamment chez Magma

Jean-Marie Machado : expérimentations !

Jean-Pierre Como : avant-garde de la fusion (Sixun) et post-bop revisité

Thierry Eliez : pianiste, clavier, chanteur, compositeur, l’un des meilleurs techniciens actuels

Sébastien Paindestre : l’une des figures d’avenir du piano jazz français

Naviguer dans la petite histoire du piano jazz

  1. Art Tatum, celui par qui tout a commencé
  2. Eroll Garner : l’inventeur de la technique pianistique moderne ?
  3. L’ère du be-bop
  4. Thelonious Monk : le père du jazz modal, le savant fou !
  5. Piano cool
  6. Oscar Peterson, l’héritier et le visionnaire : le pianiste charnière
  7. Du hard-bop au free
  8. McCoy Tyner : le son du piano jazz contemporain
  9. Joe Zawinul : le père du piano et des claviers électroniques en jazz fusion
  10. Herbie Hancock : quand le jazz fusion est popularisé
  11. Chick Corea : l’autre boss du piano jazz contemporain
  12. L’ère de la fusion
  13. Michel Petrucciani : l’incarnation du piano jazz français
  14. Le riche piano jazz hexagonal

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *