Piano jazz partie 3 : l’ère du be-bop

Ère du be-bop

Le be-bop ?

Brièvement, le be-bop est la période du jazz qui commence vers les années 1936, juste après le swing, et qui se poursuit jusqu’à la toute fin des années 40, avant de donner le courant hard-bop qui lui ressemble en plus contemporain, et West Coast / Cool / Third Stream qui sont des versions calmes et élaborées du bop.

C’est le premier courant dit du “jazz moderne”, au sens où le cadre du jazz contemporain est posé :

  • L’improvisation est soliste, et non plus collective
  • On assiste à une émergence claire d’une approche de plus en plus modale au détriment de la musique tonale
  • On sort des canevas blues en 2/4 et 12 mesures
  • La musique devient, pour un temps, ternaire, même si elle reste notée binaire (l’unité de base devient le triolet et non la croche)
  • Le bop commence à englober d’autres influences, dont la musique afro-cubaine, caribéenne, classique (Stravinsky, Bartòk, Ravel, Debussy…..)
  • Le bop reste une musique de rue, qui se joue en clubs
  • L’improvisation devient de plus en plus partie intégrante de cette musique, et donne naissance à des ‘combats’ sur scène qui émulent le courant, les ‘jam sessions’
  • La place de chaque instrument se fixe jusqu’à l’émergence des instruments électro-acoustiques. Ainsi, on peut voir une place prépondérante des cuivres et des anches comme instruments de lead, une rythmique forte batterie/contrebasse, et un piano qui fait le lien entre les deux
  • Le piano n’est pas à proprement parler un instrument de lead, outre quelques figures très connues. Il sert surtout d’accompagnement et de timides chorus – surtout face à des personnalités très fortes comme Charlie Parker, Dizzy Gillespie ou Miles Davis. Mais sa place est primordiale dans le développement harmonique du morceau
  • Ce morceau fonctionne en grilles d’accords, il n’est pas écrit stricto sensu sinon le thème et sa marche harmonique, qu’on se partage avec une ‘lead sheet’, partition spécifique lue par tous les instruments (si elle est transposée selon la tonalité de chacun).

Lead Sheet 'Au Privave', Charlie Parker

Tous ces principes resteront désormais acquis, et irréversibles dans l’histoire du jazz…

Et le pianiste dans tout ça ?

Le pianiste, outre quelques figures très emblématiques qui sont des solistes ou qui proposent des thèmes inédits, sont de fidèles rythmiciens qui font le lien entre les souffleurs et l’armature basse-batterie. Cette position dans l’orchestre est appelée ‘side’. Quand on est en ‘side’, on n’est pas en avant, mais la mission musicale du piano reste primordiale pour asseoir, mettre en relief le rôle des solistes que ce soit lors des thèmes, ou lors des improvisations (on dit ‘chorus’).

Dès lors, les pianistes de l’époque développent l’harmonie modale à travers des types d’accords inédits, complexes, qui ne fonctionnent plus par empilement de tierces, mais plutôt de quartes, ce qui permet de mettre en relief les notes couleurs des modes plutôt que les fonctions qui sont dévolues à la contrebasse (nous verrons cela dans les cours d’harmonie jazz de ce blog).

Cette étape n’est donc pas, à l’oreille, très spectaculaire, mais elle est fondamentale. Elle prépare tout ce qui va se passer ensuite pour le piano solo en jazz contemporain, qui passera par de grande figures du cool comme Bill Evans le premier. Mais quelques trublions comme Thelonious Monk n’oublieront pas de donner ses lettres de noblesse au piano bop…

Il existe pour autant quelques enregistrement où les pianistes en side sont leaders (ils jouent les thèmes et font les chorus). Ils sont assez rares.

Comme on ne peut pas nommer tout le monde, j’ai choisi quelques jalons emblématiques.

Bud Powell, figure majeure du bop

Dodo Marmarosa, sideman dans tous les grands groupes du bop

John Lewis, tête de file du Third Stream, en héritier direct du be-bop

Wynton Kelly, à la fin du bop, au début du hard-bop

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