Joe Zawinul : le père du piano en jazz fusion
Joe Zawinul, né en 1932, est autrichien. Son grand-père l’élève et lui apprend le piano et la trompette, dans un esprit de musique tzigane. Il part pour les USA en participant à un concours organisé par Down Beat et devient boursier au Berklee College of Music, en 1959. Bien vite, il s’en échappe pour fréquenter différents groupes, dont sans doute le plus marquant, celui du saxophoniste de hard-bop Cannonball Adderley, un ancien de chez Miles Davis. C’est ainsi que Zawinul se fera connaître, utilisant déjà le piano électrique Fender Rhodes.
Miles Davis fait appel à lui vers 1969 lorsqu’il crée le premier groupe de jazz rock de l’histoire du jazz, et c’est la seule et unique fois où il co-dirigera son orchestre avec un autre musicien : c’est même Joe Zawinul qui découvrira le grand guitariste John McLaughlin.
L’aventure mythique de Weather Report
Nous ne reviendrons pas ici sur l’analyse de ce groupe qui a révolutionné le jazz à partir de 1970. Avec Wayne Shorter, Joe Zawinul peut s’aventurer sur des contrées modales encore inexplorées. La vocation de Weather Report est l’expérimentation à tous les étages, ce qui est encore accentué lors de la venue du bassiste Jaco Pastorius qui redéfinit lui-même le rôle de la basse dans la musique. Un peu comme pour Magma, un grand nombre de musiciens défilent chez Weather Report qui devient une sorte d'”école” du jazz fusion.
Down Beat décerne le titre de “meilleur pianiste” 22 fois à Zawinul, ce qui est un record encore jamais égalé.
Joe Zawinul perpétuera sa musique jusqu’à son décès en 2007, notamment avec son groupe Zawinul Syndicate qui, dès 1988, continuera à accueillir les meilleurs musiciens mondiaux. Il retournera à Vienne où il possédera un fameux club de jazz, l’un des meilleurs d’Europe, le Birdland.
La Révolution Zawinul
La plupart des encyclopédies insistent sur le fait que Zawinul popularise les claviers électroacoustiques tout d’abord, puis électroniques ensuite. C’est vrai, en jazz, mais la carrière de Zawinul ne peut pas se résumer à cette seule invention. D’ailleurs, sa phrase célèbre, que l’on trouve même dans Wikipedia, est “jouer électriquement, sonner acoustiquement“. L’instrument ne reste jamais qu’un support pour redéfinir le rôle du clavier au sein de l’orchestre, et pour fusionner avec les autres instruments lors des plages de thèmes ou de chorus collectifs. Nous sommes ici dans une optique la plupart du temps purement modale.
De ce point de vue, Joe Zawinul explore la musique modale d’une manière personnelle, en faisant fusionner des musiques de tous horizons au profit d’une seule musique improvisée qui se libère des codes et des carcans académiques ou esthétiques, sans pour autant fondre dans les outrances du free jazz. Les arrangements excessivement sophistiqués, faits de contrepoints et d’accords très complexes, ne sonnent jamais de manière surchargée.
Une grande part de silence est laissée pour laisser à la section rythmique le soin de s’exprimer sans que les fréquences empiètent les unes sur les autres, et malgré l’aspect collectif de cette musique, il reste très aisé de détailler à l’oreille chaque instrument. Un équilibre polyphonique très parachevé se dégage des arrangements de Joe Zawinul malgré leur complexité.
Enfin, dans une optique coltranienne, on reconnaîtra des thèmes modaux qui peuvent donner lieu à des improvisations très longues, très développées, qui cherchent de la tension forte notamment par l’inattendu et la composition instantanée. L’imaginaire et l’inventivité de Joe Zawinul dépassent le clavier et s’adressent, avant tout, à la musique.
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