Il ne sera pas ici l’objet de refaire une histoire du jazz, puisqu’une rubrique y sera consacrée dans ces colonnes.
Pour autant concernant le piano, tandis que le cool explore le contrepoint et la complexité des accords et de la musique modale, le be-bop n’est pas vraiment mort. Son énergie continue de progresser, et le hard-bop prospère comme un retour aux sources de la musique Noire. Comme telle, elle constate que le cool a un aspect mou et manquant de fierté, souvent récupéré par les Blancs, et par réaction induit une musique vive, parfois violente, reprenant des gimmicks des racines que sont le gospel ou le blues. La véritable différence entre le bop et le hard-bop, à l’écoute, réside sans doute dans le traitement des rythmiques, plus marquées, plus mises en avant. Ce n’est pas un hasard si les batteurs Max Roach et Art Blakey (avec les Jazz Messengers) sont leaders de ce mouvements, et c’est même la première fois que des batteurs vont devenir des compositeurs !
Par force et tout naturellement, le piano se rapproche donc de la section rythmique et reprend davantage une place percussive, ce qui permet de remettre en avant les souffleurs par contraste.
Si certains pensent que ce courant est un peu mineur, puisqu’il est en continuité directe avec le be-bop, il n’en est rien. En effet, il va préparer l’énorme révolution que sera l’arrivée de John Coltrane dans le jazz, et le basculement dans le free jazz d’un côté, et le jazz fusion de l’autre par la place du batteur, du bassiste et du pianiste dans les formations.
Autre innovation, et non des moindres : c’est à partir d’ici que le jazz va commencer à assumer le fait d’être une musique modale, ce qui sera consommé dans les années 60.
Autant dire que le hard-bop est donc un mouvement de pure transition, transition discrète aux oreilles, mais très profonde quant aux pratiques et à la théorie. Miles Davis, dans son autobiographie, en parle ainsi :
” La musique modale, c’est sept notes à partir de chaque gamme, chaque note. Une gamme par note, une mineure. Le compositeur-arrangeur George Russell avait coutume de dire qu’en musique modale le do se trouve où le fa devrait être. Que tout le piano commence à fa. Ce que j’avais appris, c’était que quand on jouait en modal on pouvait continuer à l’infini. Inutile de se soucier des grilles ou des trucs comme ça. On peut tirer davantage de la ligne musicale.
Quand on travaille de façon modale, le défi, c’est de voir quelle inventivité on peut avoir alors sur le plan mélodique. Ce n’est pas comme quand on s’appuie sur des accords, quand on sait, au bout de trente-deux mesures, que les accords sont terminés, qu’il n’y a rien d’autre à faire qu’à se répéter avec des variantes. Je m’écartais de ce système, j’allais vers des approches plus mélodiques et l’approche modale me semblait plus riche de possibilités.“
Eh oui… Pas de hard-bop, pas de jazz modal, et, peut-être, la mort du jazz lorsque le free jazz découragera bientôt une grande part du public qui se tournera alors vers le rock, au risque d’une triste fin pour le mouvement jazz… Mais c’est bien par la continuité avec le hard-bop que le jazz renaîtra de ses cendres…