Arf, le sujet qui fâche. Encore et encore, telle la litanie d’un moulin à prière, on m’a redit une énième fois que le jazz était une musique de musiciens, tournés vers eux-mêmes. De nombrilistes qui sont dans la perpétuelle démonstration. Dans la surenchère. Et donc dans l’inverse de la générosité.
Ceci me gonfle à un tel point que j’ai décidé de montrer que la musique, c’est aussi un rapport de force. Avec les autres, mais surtout avec soi-même. Et que le dépassement fait partie intégrante de toute forme musicale (voire artistique, mais c’est un autre débat).
C’est facile à comprendre : quel serait l’intérêt de faire ce que tout le monde fait ? Où serait l’inventivité, la créativité, la recherche, l’unicité ? Où se situerait l’exploration des zones encore non défrichées (ou déchiffrées) ? Pourrait-on faire de la musique sans s’engager ?
Voici quelques exemples hors jazz qui en disent long sur le fait que cette démarche aussi physique qu’intellectuelle que viscérale de dépassement, ne concerne pas que le jazz…
Etude en ré mineur op. 8 n°12 de Scriabine
3e mouvement du concerto sans orchestre d’Alkan
Petite fugue en sol mineur BWV 578 de J.-S. Bach
Trois études pour piano op. 18, Sz. 72, Béla Bartók
Oui, je sais, on va encore me dire qu’entre Bach ou Bartók, on reste dans la musique élitiste parce que bien évidemment, il y a la musique des élites et les autres. Quoi ?… La musique des ouvriers, de la plèbe, contre celle du XVIe arrondissement ?… On voit bien que cette classification ne tient pas une seconde, surtout concernant le jazz qui reste une musique née de la rue des quartiers pourris. Voici donc des exemples de musiques qui vont au bout d’elles-mêmes, hors jazz et hors classique, et qui peuvent être écoutées dans tous les quartiers !
Naturträne, Nina Hagen
Far Beyond the Sun Live, Yngwie Malmsteen
Walking on Glass, Iron Maiden
In-A-Gadda-Da-Vida, Iron Butterfly
Bohemian Rhapsody, Queen
La Valse à mille temps, Jacques Brel
Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ?, Renaud
Ad Orgasmum Aeternum, Hubert-Félix Théfaine
Faites l’expérience de vous offrir 23 minutes de musique en finissant par cette merveille de musique de W. Kilar, musique mi-biblique, mi-païenne, fantastique dans tous les sens du terme, qui célèbre l’exode de tous les peuples qui ont eu à s’exiler. Et qui semble ne jamais pouvoir trouver de seuil suffisamment haut pour exprimer sa force, sa foi et la violence de ses sentiments.
Innombrables exemples selon lesquels toutes les musiques généreuses tentent d’aller au bout d’elles mêmes. Aucune ne peut s’interpréter sans sueur ni conviction. C’est assez rassurant de penser que dans un univers qui est devenu si policé, où il fait mauvais de montrer ses émotions sinon en pleurnichant devant une caméra ou sur Facebook, la musique fait partie de ces bastions inaltérables qui au contraire transcendent l’émotion sans la moindre hystérie.
Le jazz ni plus ni moins que les autres approches sincères.
Le 31 juillet 2020 https://youtu.be/ZfCIT-FOgM8
Le 30 juillet 2020 https://youtu.be/_5hr1I0OUf4
Le 28 juillet 2020 https://youtu.be/AtQFgdBI538
Le 27 juillet 2020 https://youtu.be/c_0cJdoiznw