Panorama...

Souffler dans un synthé ! l’EWI

Un EWI, c’est un “electronic wind instrument”. C’est dédié aux souffleurs, à savoir trompettistes ou saxophonistes. Les touches sont donc exactement architecturées comme sur une trompette ou un sax, et ça se branche directement sur un synthé. Les sons sont donc ceux dudit synthé. En revanche, l’expression, elle, provient d’un contrôleur de souffle et est donc totalement spécifique à l’instrument. Je tente d’en reproduire l’expression au clavier avec plein d’artifices compliqués, eh bien c’est… compliqué, comme son nom l’indique !…

Si vous êtes curieux, c’est la marque Akai qui a commercialisé les premiers EWI, qui se branchaient soit sur les premiers samplers Akai, soit sur une prise spéciale du synthé Yamaha DX 7 (de mémoire version IIS). C’est vieux (1986). En 2018, ça ressemble à ça :

Qui, mais qui diable a eu l’idée saugrenue de jouer avec un machin pareil surtout en jazz ?!

Donner l’accès de la synthèse aux souffleurs

C’est le saxophoniste que je préfère entre tous, j’ai nommé Michael Brecker. Soit en son nom propre, soit avec le groupe Steps Ahead (avec le vibraphoniste Mike Mainieri – encore un fada celui-là, le premier à avoir fait communiquer un vibraphone avec un synthé. Oui, bon. C’est très synthétique comme aventure. Mais on est dans les années 80, Véronique et Davina s’habillaient elles-mêmes en latex.)

Ce que je souhaite mettre en exergue dans ce présent post, c’est que ce n’est pas parce que c’est une machine qui est utilisée que la musique est inexpressive. C’est tout le contraire. L’EWI a justement été inventé pour cela. Derrière la machine, il y a de l’humain, mais alors, du vrai de vrai avec de la chair, des os, un cerveau, des oreilles et de la salive. Donc, nouveau support, mais bonne vieille créativité. De là à faire un parallèle avec les arts graphiques actuels, il n’y a qu’un pas que je franchirai avec allégresse.

Michael Brecker, l’inventeur du genre (entre autres)

Tous ces exemples seront issus de l’album Magnetic (1986) de Steps Ahead avec M. Mainieri aux mallets, M. Brecker à l’EWI et au sax, Chuck Loeb et Hiram Bullock à la guitare, Victor Bailey à la basse et Peter Erskine à la batterie. Ce n’est pas pour rien que Steps Ahead est Steps Ahead, non plus.

Pourquoi cet album ? Parce que l’EWI vient juste de sortir, que personne ne le connaît, et que Michael semble être né avec un EWI dans la bouche. Et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.

On commence avec un vieux standard de Duke Ellington, In a Sentimental Mood, par M. Brecker à l’EWI. Vous allez entendre, c’est caractéristique du point de vue du son et de l’expression.

On enchaîne avec Beirut, toujours du même album. Là, on entend la complémentarité vibraphone (électrifié)/EWI, et il y a un méchant chorus d’EWI à partir de 3:17. Je rappelle que c’est la première fois que ces expériences électroacoustiques sont tentées.

Sumo : le summum du genre ?

On finit avec LE morceau de Steps Ahead (enfin selon moi, c’est subjectif, mais j’assume ma subjective subjectivité) : Sumo. Ici, on a droit à une cathédrale modale faite de contrepoints partout. Et d’un combat métaphysique entre EWI et sax, ce qui est drôle quand on sait que c’est le même zicos qui joue sur lui-même en différé (c’est ce qu’on appelle de l’overdub en studio. C’est pour ça qu’il y a deux Charles Aznavour dans sa chanson “Mes Emmerdes [1]”, ce n’est pas un figurant imitateur qui chante avec lui. Ou alors il n’y a qu’un seul imitateur sans Aznavour).

Ne pas se laisser avoir par la première impression très “machine” : c’est pour mettre en relief, justement, ce contraste EWI/sax. Et c’est ultra habile, justement, comme approche.

On laisse Michael Brecker (sur lequel nous reviendrons) s’exprimer au sujet de la chose ? “On a music level, technology doesn’t mean anything unto itself. Dependent on whoever is using it, it can become a very powerful tool. For me, it has been, in many ways, a great aid in various aspects of creating music. It was a new medium for me, and I generally like to try new things. That keeps me pushing ahead. In this scenario, I found that the (ensemble) instrumentation had a kind of sonority that worked well with the sax.”

L’interview intégrale (2004) en PDF est à télécharger ici → http://wx.jazzsynth.com/media/E-…

Notes de bas de page

[1] Charles Aznavour – Mes Emmerdes • TopPop

Boris Foucaud

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Boris Foucaud

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