Le violon en jazz… Oui, certes, l’un des grands initiateurs en fut le jovial Stéphane Grappelli. On se souvient cependant moins que c’est le jazz manouche qui a véritablement inventé la chose, notamment à travers le violoniste Joe Venutti.
De fait, le violon a accompagné le lead jazz, si on peut dire, tout du long de la période swing. Quand le be-bop s’est fait récupérer par les blancs, et que le vrai jazz poursuivait sa route sous forme de cool, de mainstream ou de free, il fut joué en grands orchestres de manière totalement écrite, et le violon servait alors de nappe de fond comme dans les films guimauves hollywoodiens.
Mais avec l’essor de l’électrification, le violon a retrouvé ses lettres de noblesse comme instrument soliste à la fonction finalement assez proche de la guitare lead, dans les années 70.
Voici donc trois morceaux emblématiques du violon jazz contemporain, à travers trois grandes figures de l’instrument.
Tout d’abord, Jean-Luc Ponty, avec son célèbre morceau Egocentric Molecules (1978)
Puis bien sûr Didier Lockwood, découvert dans le groupe Magma lors d’un chorus de plus de 20 minutes dans les années 70. Ce musicien d’exception est malheureusement disparu en février dernier.
Voici un extrait d’un album que j’adore, “Fusion” (1981), avec Lockwood, Top (basse), Widemann (claviers) et Vander justement, fondateur et batteur de Magma.
Ceux qui ont plus de patience peuvent écouter l’œuvre épique et inépuisable ici mise en note [1].
On constate que le violon jazz était tout de même quelque chose de très français. Un genre de spécialité, en quelque sorte, même si ces musiciens ont beaucoup joué aux USA et au Canada où finalement leur carrière est pratiquement plus reconnue qu’en France. Notamment, Ponty a joué beaucoup avec Mahavishnu Orchestra, et Lockwood avec UZEB.
Ceci dit, il existe un violoniste un peu moins connu, d’origine polonaise, Michał Urbaniak, qui est surtout connu pour son son et moins pour son nom (le monde est cruel) et qui est le violoniste américain. À tel point qu’il a même fait créer pour lui un violon 5 cordes (contre 4 habituellement bien sûr).
Le voici ni plus ni moins avec Miles Davis, dans l’album Tutu (1986), notamment sur le morceau “Don’t lose your mind” (chorus vers 2:20).
Pour les habitués du jazz, on connaît tous Ponty et Lockwood. Mais Urbaniak mérite un véritable approfondissement, puisqu’on peut le suivre parcourir toute l’histoire du jazz depuis les années 60 à nos jours, ayant notamment joué avec Billy Cobham, Buster Williams, Chick Corea, Elvin Jones, Freddie Hubbard, George Benson, Herbie Hancock, Joe Henderson, Joe Zawinul, Kenny Barron, Larry Coryell, Lenny White, Marcus Miller, Quincy Jones, Ron Carter, Roy Haynes, Wayne Shorter, and Weather Report. Oui, rien que ça…
Le mot de la fin pour Didier Lockwood interviewé en 2016 par Philippe Faner (La Provence) ?
“L’improvisation est selon vous, “l’un des sept paramètres générateurs de la vie”. N’allez-vous pas un peu loin avec cette théorie ?
Didier Lockwood : C’est purement scientifique. La vie n’existerait pas s’il n’y avait pas la faculté de s’inventer à chaque instant. C’est une distorsion de notre esprit de penser que les choses sont établies une fois pour toutes.
Ce principe ferait-il de nous, des improvisateurs qui s’ignorent, d’un point de vue musical ?
Didier Lockwood : J’ai essayé de démêler le principe pour voir ce qui arrivait dans le cerveau pendant l’improvisation. La véritable création n’est en fait que la restitution maladroite de nos souvenirs. J’ai compris que personne n’inventait rien, en fait. Et que l’on transformait les choses à la hauteur de notre unicité. Chaque être sur terre est unique.”
Notes de bas de page
Le 31 juillet 2020 https://youtu.be/ZfCIT-FOgM8
Le 30 juillet 2020 https://youtu.be/_5hr1I0OUf4
Le 28 juillet 2020 https://youtu.be/AtQFgdBI538
Le 27 juillet 2020 https://youtu.be/c_0cJdoiznw