Le Jazz, la Fusion

Comment améliorer son improvisation ?

Je rappelle qu’en jazz, l’improvisation se nomme “chorus”.

Il y a bien des façons complémentaires de procéder. Le tout est de travailler lentement, de manière systématique, et de bien retenir les sons produits pour pouvoir les réinjecter à volonté dans des contextes précis.

Reproduire très lentement des chorus d’autres musiciens

Essayer de reproduire certains chorus qui vous plaisent en les retranscrivant, puis les jouer très lentement, par exemple à 50 à la noire, mais jusqu’à ce qu’ils soient nickel. Et accélérer graduellement jusqu’au tempo original. Objectif : développer de nouveaux doigtés, de nouvelles tourneries, de nouveaux automatismes, et prendre conscience de nouvelles possibilités, de nouvelles pistes.

Pour étudier rationnellement un chorus qui va souvent très vite, je conseille d’utiliser Audacity pour ralentir le tempo. C’est très simple : on charge le morceau qui nous intéresse, on le sélectionne ensuite en entier ([ctrl]+A) et on utilise l’effet ‘changer le tempo’. Cela permet de détailler facilement un chorus, et de le reproduire lentement en accélérant progressivement ensuite, jusqu’au tempo original.

 

 

Intégrer différemment du matériel harmonique connu

Reprendre la grammaire depuis le début, mais différemment. Par exemple, étudier une pentatonique mineure 7 en do (do-ré-mi bémol-sol-si bémol).
Puis essayer celle-ci avec toutes les fondamentales (donc non plus en C, mais en C#, en D, en Eb, etc.) et voir comment cela sonne. Et analyser l’accord obtenu. Par exemple, en F, cela devient, de tête, une penta renversée F maj 7 dominante. En G, une penta renversée G-5+, etc). Des fois cela sonne, des fois pas du tout, et des fois cela ouvre de nombreuses possibilités auxquelles on n’avait pas pensé. Ce qui semble mal sonner devient magique si on imagine un nouveau contexte. Essayez de choruser en essayant plein de pentas sur des accords complexes comme le Prométhée de Scriabine (en C : do-fa dièse-si bémol-mi-sol-ré) et vous serez étonné des sons produits. Après, vous verrez qu’il manque des notes de transition, que certaines se répondent, appellent un nouvel accord, etc.

Jouer sur les fonctions et les couleurs

Travailler sur les fonctions (III-V-VII) et les couleurs (IV-VI-XI-XI-XIII) par rapport à chaque mode. Par exemple, sur un mode majeur, que se passe-t-il si on joue une IX# ? Le mode devient, à l’oreille, mineur et majeur en même temps. Comment tirer partie de cette ambiguïté dans un contexte habituellement ou majeur, ou mineur ? Qu’est-ce que cela entraîne pour les autres couleurs, par exemple, si on augmente la IV en même temps ? Ce nouveau mode est compatible avec lesquels ? Ainsi, quand vous tomberez sur un bête accord C7, vous l’enrichirez considérablement en maîtrisant tout ce qui se passe autour du 9+. Ce n’est qu’un exemple, il y en a des dizaines d’autres que vous pouvez trouver tout seul ou en écoutant de solides musiciens comme Michael Brecker, Chick Corea ou Jaco Pastorius – entre bien d’autres également.

Bref, tout ceci paraît terriblement théorique, mais par exemple devant un clavier, c’est bien plus simple. Cela ouvre le champ des possibles, et une fois les nouvelles découvertes faites, il faut les noter, et les bosser dans tous les contextes, tous les tons, dans différents rythmes pour se les approprier et qu’ils deviennent de nouveaux automatismes de vocabulaire.

Jouer avec les polyaccords (en arpèges) et les renversements

Il y a également des recherches à faire sur les renversements d’accord et la manière de structurer les arpèges de plusieurs manières à partir de là. De mélanger les tétracordes de deux modes différents pour n’en faire qu’un. De travailler le ‘detune’, par exemple de jouer en C#maj sur du Cm7 pour voir ce que cela donne. D’anticiper les notes communes à deux mesures et de jouer… toutes les autres notes sauf celles-ci, de manière structurée comme s’il s’agissait d’une gamme montante par exemple. De bosser à fond sur les notes de transition dans les suites d’accords habituelles, comme le VI-II-V-I. De repérer ses automatismes et de les jouer à l’envers pour voir ce que ça donne… D’enrichir une penta avec des couleurs dont va découler une seconde penta… Les combinaisons sont presque infinies !

Faire, défaire, oser…

Le tout c’est de tenter, de faire, de défaire, d’oser. Et d’y aller toujours très doucement au début, que ce soit parfaitement calé sur un tempo très lent. Pour l’expérimentation, un séquenceur (LMMS, totalement gratuit, est très bien) peut vraiment aider, pour tourner sur une ligne de basse et des accords en boucle. Et toujours penser que le chorus s’appuie sur des accords et une rythmique, que c’est l’alchimie se produisant avec tous ces ingrédients qui fait que ça sonne ou non. On peut faire sonner merveilleusement, si l’expressivité est là, une note complètement fausse, si tout le monde suit derrière 🙂

Entraînez-vous sur des grilles faciles, genre blues standard en 12 mesures, Maiden Voyage ou un groove en 8 mesures sur 2 accords en boucle. Objectif : que ça sonne avec des notes simples d’abord, puis de plus en plus élaborées au fur et à mesure.

N’hésitez pas à écouter un maximum de choses, et à prendre quelques cours avec un pote ou un prof pour vous donner de nouvelles idées ou explorer de nouvelles pistes. À discuter avec d’autres musiciens, aussi, et à jouer avec eux. Au fil du temps, le plus dur est de se renouveler et de savoir sortir de ses automatismes. L’avantage du jazz, c’est que ce n’est pas de la sculpture : avec un bloc de marbre de Carrare à 2000 €, un coup de ciseau de travers et c’est la catastrophe. En jazz, l’expérimentation ne coûte rien, seulement du plaisir 🙂

Boris Foucaud

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